Revue Sciences Santé | Non classé

Inquiétudes et pratiques parmi les dentistes à Madagascar face au COVID-19: une étude nationale transversale. 

Concerns and practices among dentists in Madagascar regarding COVID-19 : a national cross-sectional study

Auteurs:

 Samoelà Hérédia RAZAFINDRAMBOHO1, Justin Jacques RAVELOMANANTSOA1, 2, Antonin RAJABO1, 2

1École Doctorale Nutrition-Environnement-Santé, Université de Mahajanga, Madagascar.

2 Laboratoire d’Epidémiologie et de Biostatistique en Santé des Populations

Résumé: Cette étude avait pour objectif d’évaluer les inquiétudes et les pratiques des dentistes face à l’épidémie de COVID-19.

Méthode : Une enquête nationale était menée, basée sur questionnaire à auto-remplir. L’étude ciblait les dentistes des 22 régions de Madagascar. L’analyse statistique était menée à l’aide du logiciel SPSS 24.0. La fréquence et le pourcentage étaient utilisés dans l’analyse descriptive. Le Chi-carré était appliqué pour évaluer les réponses en fonction du genre. 

Résultats : L’étude a inclus 246 dentistes (54,1% d’hommes et 45,9% de femmes) sur les 496 ciblés, âgés  de 20 à 50 ans et plus. Au total 188 (76,4%) étaient des dentistes généralistes, 34(13,8%) étaient spécialistes. La majorité, 161 (65,4%) travaillait dans le secteur public. La peur de contaminer les membres de famille en rentrant du travail était rapportée par 85,4%, ensuite la peur d’être soi-même contaminé par le personnel ou patients (83,7%). En cas de contamination, 17,7% envisageait de fermer leur cabinet dentaire. La majorité (83,3%), déclarait que le port de masque N95 est insuffisant pour éviter la contamination au COVID-19. Ils étaient, 68,3% à porter du masque N95 pendant les soins, 9,8% utilisaientde digue pour isoler la dent à traiter et 12,6% utilisaient de l’aspirateur de salive. Plus de femmes (98,2%) que d’hommes (91,5%) exigeaient le port de masques (p<0,05). Les hommes (79,2%) plus que les femmes (68,2%) appliquaient la distanciation de 1mètre entre les chaises en salles d’attente (p<0,05). Les dentistes hommes étaient plus nombreux (66,9%) que les femmes (49,0%)  à installer de murs  de séparation (p<0,01). Devant des cas positifs, plus de femmes (91,2%) que d’hommes (81,8%) reportaient les soins dentaires (p<0,05).

Conclusion : Cette étude a montré que les dentistes étaient conscients du risque élevé de transmission de COVID-19 qu’ils encourent et appliquaient les consignes autant qu’ils pouvaient.

Abstract :

This study aimed to assess the level of awareness and practices of dentists regarding the COVID-19. Method : The study targeted dentists from the 22 regions of Madagascar. Statistical analysis was performed using SPSS 24.0 software. Frequency and percentage were used in the descriptive analysis. Chi-square was applied to assess responses based on gender.

Results: The study included 246 dentists (54.1% men and 45.9% women) out of the 496 targeted, aged from 20 to 50+. A total of 188 (76.4%) were general dentists, 34 (13.8%) were specialists. The majority, 161 (65.4%) worked in the public sector. The fear of infecting family members on returning from work was reported by 85.4%, followed by the fear of being contaminated by staff or patients (83.7%). In the event of contamination, 17.7% planned to close their dental practice. The rspondent’s majority (83.3%) declared that wearing an N95 mask is not sufficient to avoid contamination with COVID-19. 68.3% of them  wore an N95 mask during treatment, 9.8% used a rubber dam to isolate the toothto be treated and 12.6% used a saliva aspirator. More women (98.2%) than men (91.5%) asked the wearing of masks (p<0.05). Men (79.2%) more than women(68.2%) applied the distance of 1 meter between the seats (p<0.05).

Male dentists were more likely (66.9%) than female dentists (49.0%) to install dividing wall(p<0.01). Faced with positive cases, more women (91.2%) than men (81.8%) postponed dental care (p<0.05).

Conclusion: This study showed that dentists were aware of the high risk of transmission of COVID-19 that they incur and applied the instructions as much as they could.

Comment citer cet article: RAZAFINDRAMBOHO SH, RAVELOMANANTSOA JJ, RAJABO A. Inquiétudes et pratiques parmi les dentistes à Madagascar face au COVID-19: une étude nationale transversale. Revue Sc. Santé 2023 ;(1) :1 :1-20

Article original 

INTRODUCTION

Le Coronavirus était rapporté initialement à Wuhan, province de Hubei,  en Chine, au mois de décembre 2019. [1]. Les chercheurs chinois avaient vite découvert qu’il s’agissait d’un nouveau Coronavirus, anciennement désigné comme 2019-nCoV,et maintenant appelé SARS-Cov-2, (Severe Acute Respiratory Syndrom Coronavirus) [2].

En Janvier 2020, l’OMS a déclaré que la maladie est une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI).[3].  En février 2020, la maladie causée par le virus SARS-CoV-2 a été appelée, par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), COVID-19, un acronyme dérivé des termes CO-rona VI-rus Disease et l’année d’identification-19.[4]. 

 En quelques mois, la très forte vitesse de propagation du COVID-19, au-delà des frontières chinoises vers d’autres pays de plus en plus nombreux, a fait que le 12 Mars 2020, l’OMS annonce que l’épidémie de COVID-19 est une pandémie [5].

Pour éviter la transmission, l’OMS, avait suggéré l’auto-quarantaine et l’isolement des personnes symptomatiques avec éloignement physique des individus (qui peuvent être des porteurs asymptomatiques) ainsi que l’hygiène des mains [6].

Les gouvernements ont dû prendre des mesures de restrictions drastiques pour contenir la contamination : limitation des déplacements en dehors de son habitation, confinement, distanciation. 

Bien que, le COVID-19 attaque principalement les voies respiratoires supérieures, il semble également causer des effets indésirables car il produit des altérations de la coagulation, du goût, et de l’odorat. 

La transmission interhumaine semble se produire principalement par contact étroit avec des personnes symptomatiques touchées par le COVID-19, et le principal mode de contagion se fait par l’inhalation de gouttelettes respiratoires, par exemple lorsque les malades parlent, éternuent ou toussent. 

Le virus a la capacité de provoquer une grave infection aiguë des voies respiratoires et il est très contagieux, se propageant par la salive, les mains, les gouttelettes nasales et moins fréquemment par contact avec la surface. [7].

La période médiane d’incubation de la maladie était estimée à 5jours [8]  ou de plus de 14jours pour d’autres cas [9].Selon une note sur le risque d’exposition des travailleurs au covid-19, publiée par l’administration de la sécurité et de la santé au travail (OSHA), les professionnels dentaires entrent dans la catégorie de professionnels de santé  à très haut risque d’infection nosocomiale et peuvent devenir porteurs de la maladie en raison de leur production régulière d’aérosols [10]. Autre fait important, la pandémie de COVID-19 a eu des effets majeurs sur les travailleurs. Certains groupes de travailleurs courent un risque accru en raison du contact avec le patient.

La dentisterie figure parmi les emplois à fort potentiel d’exposition à des sources de COVID-19 lors des consultations. Les dentistes exécutant des aérosols, et manipulant des échantillons de sang de patients potentiellement infectieux ou soupçonnés de l’être, sont à risque très élevé de contamination. En  effet, il a été largement documenté dans la littérature que les voies de transmission de COVID-19 sont les gouttelettes, l’inhalation générée par la toux, l’éternuement des patients infectés, et le contact direct des membranes buccale, nasale et oculaires [11] et avec la salive  [12].  L’augmentation rapide des infections et des décès a causé la panique, la peur, l’anxiété dans la population et chez les personnels de santé. En face de telle pandémie, il est normal de paniquer, et d’être anxieux, mais il est également rapporté qu’une grande peur peut induire à la prise de décision irrationnelle chez des professionnels comme les dentistes [13]. Des études nationales étaient menées dans de nombreux pays pour évaluer l’impact de COVID-19 sur les dentistes [12, 14, 15, 16}.

A ce jour, à notre connaissance, aucune étude n’a été mené sur les : crainte, attitude et pratiques des dentistes à Madagascar vis-à-vis du COVID-19. Cette étude avait pour objectif d’évaluer le niveau d’anxiété, de peur, de perception et d’attitude des dentistes, concernant la maladie à coronavirus (COVID-19) et le contrôle des infections.

II- MATERIEL ET METHODE

La présente enquête nationale visait tous les dentistes travaillant dans les 22 régions de Madagascar. Il s’agissait d’une étude transversale utilisant un questionnaire à auto-remplir à distance, envoyé par courrier ou par mail directement à l’adresse des dentistes des 22 régions.

Là où la liaison internet n’était pas disponible, nous avions fait parvenir aux dentistes les questionnaires par courrier postal. 

Le questionnaire est composé de 32 questions fermées groupées en trois séries de 

  • 6 questions interrogeant sur les données démographiques (âge, sexe, résidence, années d’exercice de la profession de dentiste, lieu d’exercice)
  • 8 questions sur la peur et l’inquiétude ou l’anxiété du dentiste concernant la pandémie de COVID-19 et 
  • 18 questions sur les changements des pratiques des dentistes face au covid-19. 

Les items sur la peur et l’anxiété des dentistes face au Covid-19 étaient tirées du questionnaire utilisé dans l’étude de Ahmed MA et al., menée dans 30 pays différents. L’étude en question évaluait les craintes et modifications des pratiques chez les dentistes pour lutter contre l’épidémie de la nouvelle maladie à coronavirus (COVID-19) [13].

Etude pilote : Développé à l’origine en anglais, le questionnaire était traduit en langue malagasy puis testé avant d’être utilisé. La traduction était menée selon les recommandations standard de traduction-contre traduction de Beaton DE et al. [17].

Zone de texte: CVR= [ne-N/2] / [N/2]

La validité du contenu du questionnaire version malagasy était évaluée par une approche quantitative. Un panel de 14 évaluateurs était constitué conformément aux  recommandations de Lawshe et al., en 1975 [18], Chaque évaluateur était invité à  noter E, si l’item est considéré « essentiel », noter H pour « helpfull », si un item est considéré « aidant », noter U pour « Unecessary » si on juge qu’un item n’est pas nécessaire. La formule  de calcul du CVR: « Content Validity Ratio » appliquée était : 

dont : –  « ne » représente le nombre total de sujets du panel qui ont noté E, 

           – « N » représente le nombre total de sujets du panel, ici N=14 (N=7)

Le minimum de CVR acceptée comme significative  avec un panel de 14 sujets est de 0,51 par item. Si un item avait un CVR <0, l’item est rejeté.

Population d’étude

Critères d’inclusion: L’enquête s’adressait à tout dentiste Malagasy âgé de 18ans et plus, exerçant dans les 22 régions de Madagascar au moment de l’enquête et qui ont donné leur consentement à participer à l’étude.

Critères d’exclusion : Les dentistes âgés de moins de 18ans et ceux qui n’ont pas donné leur consentement étaient exclus de l’étude.

Calcul de la taille d’échantillon : Nous avions utilisé le calculateur en ligne « Raosoft sample size calculator » pour le calcul de la taille d’échantillon nécessaire à la validation de l’étude [19].

La marge d’erreur était fixée à 5% ; l’intervalle de confiance était de 95% ; la taille de population d’étude (dentistes et spécialistes) à Madagascar était de 506 (publiques et privés); et comme la prévalence de peur etc… est méconnue, on a opté pour p=50%. La taille d’échantillon minimum calculée était de 217. 

Au moment de l’enquête, 276 dentistes privés  et 220 dentistes publiques, soit un total de 496 chirurgiens-dentistes inscrits à l’Ordre National des Docteurs en chirurgie dentiste de Madagascar, étaient ciblés. 

L’analyse statistique des données était menée à l’aide du logiciel SPSS version 24. Les statistiques descriptives étaient représentées en fréquences et pourcentages pour les variables catégorielles. Les tests de Chi-carré était appliqué pour évaluer la relation entre la réponse des dentistes et le secteur de travail, le genre, et le niveau d’éducation. La fiabilité du questionnaire version Malagasy était évaluée par alpha de Cronbach. La valeur de alpha ≥70 est considérée comme signe de bonne fiabilité [20].

Considérations éthiques : Les objectifs de l’étude étaient expliqués aux dentistes avant de demander leur consentement à participer à l’étude. Le consentement éclairé de chaque participant était obtenu avant la participation à l’enquête. L’anonymat était respecté. 

III- RESULTATS :

Les 496 dentistes en exercice en 2020 étaient sollicités à participer. En final,  ils étaient 246 à avoir retourné les questionnaires avec réponses complètes.

La traduction et la contre-traduction du questionnaire n’ont pas posé de problème particulier. Le questionnaire version malagasy était par la suite pré testé auprès de 14 experts qui ont évalué la validité du contenu. Les valeurs du CVR étaient toutes supérieures à 0,51. 

Le test de fiabilité interne de alpha de Cronbach a trouvé un coefficient de 0,742 pour l’ensemble des items. 

Caractéristiques sociodémographiques des participants 

Le groupe d’âge le plus représenté était le 31-44ans (36,2%) suivi par les 50 ans et plus (27,6%), les 41-50 ans et les 20-30ans étaient respectivement de 26,8% et de 9,3%. Parmi les répondants, il y avait plus de dentistes hommes que de femmes (54,1% vs 45,9%). Au total, 76,4% des participants à l’enquête étaient des chirurgiens dentistes généralistes; 13,8% étaient des spécialistes et 9,8% étaient en cours de spécialisation. Près des deux tiers des participants (65,4%) travaillaient dans le secteur public; 19,1% travaillaient à leur compte propre; 13,1% étaient dans le secteur privé et 2,4% dans d’autres secteurs non spécifiés. Selon l’expérience clinique, 34,1% travaillaient depuis 10-20 ans; 31,7% depuis 10-20ans ; 23,5% depuis plus de 20 ans et 11,0% étaient en exercice depuis moins de 5ans. (Tableau 1)

Tableau 1 : Caractéristiques sociodémographiques des participants

Le tableau 2 présentait la distribution des participants selon la zone géographique de travail ainsi que le nombre de dentistes rapportant avoir déjà eu le COVID-19 en fonction du genre et de la forme de la maladie. 

Selon les zones géographiques, la participation des dentistes à l’enquête nationale était de 17,1% pour l’ex-province de Toamasina; 16,7% pour les dentistes d’Antsiranana; 12,6%;  à Mahajanga: Toliary 14,2% ; Fianarantsoa 18,3% et, pour Antananarivo, la capitale,  la participation était de 20,3%. 

Interrogés sur le COVID-19 chez les dentistes en fonction du genre et de la forme de la maladie, dans l’ex-province de Toamasina, 03 dentistes sur les 42 qui ont participé à l’étude avaient déjà eu le COVID-19 dont 01 homme et 02 femmes et tous les trois avaient fait de forme modérée.

A Antsiranana, 17 dentistes sur les 41 participants avaient déjà eu le COVID-19 dont 11hommes et 06 femmes, tous   étaient de forme modérée.

A Mahajanga, 7(22,6%) dentistes avaient déclaré avoir déjà eu le COVID-19 dont 4 hommes et 3femmes.  

A Toliary, 03 dentistes avaient eu le COVID-19 dont 01 homme et 02 femmes ; 2 formes légères et une forme grave.

A Fianarantsoa, sur les 45 participants, 09 avaient rapporté avoir déjà eu le COVID-19 dont 06 hommes et 03 femmes et 06 cas étaient de formes légères, et une forme modérée et 2 formes graves.

A la capitale, Antananarivo, sise dans la région de Analamanga, sur les 50 dentistes  ayant participé à l’étude, 38(76,0%) avaient contracté le COVID-19 dont 34(70,8%) travaillaient dans la région Analamanga comprenant 12 hommes et 26 femmes. Au total 15 étaient de forme légère, 17 de forme modérée et 6 formes graves.

En somme, sur les 246 dentistes ayant participé à l’enquête, 77(31,3%) avaient déclaré avoir eu le COVID-10 dont 34(44,2%) hommes et 43(55,8%) femmes dentistes. 

Vingt et un cas (27,3%) avaient présenté une forme légère, 43(55,8%) formes modérées et 10 formes graves. 

Trois décès connus ont été rapportés parmi les dentistes depuis le début de la pandémie à Madagascar. (Tableau 2)

Tableau 2 : Distribution des dentistes selon la zone géographique de travail et nombre de dentistes rapportant avoir déjà eu le COVID-19 en fonction du genre et de la forme de la maladie

Les 22 régions de Madagascar étaient représentées.

Le Tableau 3 décrit le niveau de peur et d’anxiété des dentistes face à la COVID-19. 

De toutes les peurs et craintes déclarées, la peur de contaminer les membres de famille à la rentrée du travail était la plus fortement ressentie par les dentistes, rapportée par 85,4% des répondants.(92%) suivie de la propre peur du dentiste d’être contaminé lui-même par le personnel du cabinet dentaire ou par les patients (83,7%) ; venait ensuite la crainte d’être contaminé par un patient qui toussait la proportion était de 76,4%.   

Une fois contaminés, moins de la moitié de ces dentistes craignaient le confinement (42,3%). Et, ils n’étaient que 17,7% à penser à fermer leur cabinet dentaire jusqu’à la réduction du nombre de nouveaux cas de COVID-19 (66%). 

La peur quand ils entendent parler de quelqu’un qui est contaminé ou a succombé après l’infection au COVID-19 touchait 66,3% des répondants (85%). Ils appréhendaient le coût du traitement à 57,7%.

Moins de la moitié des répondants avaient déclaré avoir peur de parler trop prêt des patients 48,8%/ (73%).

Tableau 3 : Evaluation de la peur et de l’anxiété des dentistes (attitude) face au COVID-19

Dans le tableau 4 sont présentées les connaissances  et pratiques des dentistes face au COVID-19

– avaient mis en place une murette (Oui=56,1% ; Non=39,0% ; Sans avis=4,9%), 

– avaient appliqué la distanciation d’au moins 1 mètre entre les chaises des patients de (Oui=72,4% ; Non=25,2% ; sans avis=2,4%)

– avaient interrogé si le patient présente des symptômes de COVID-19, avant de le soigner (Oui=75,6% ; Non=24,0% ; Sans avis=0,4%) 

– avaient posé de question sur le voyage qu’aurait effectué le patient dans les zones à haut risque (Oui=39,4% ; Non = 58,9% ; Sans avis=1,6%) 

– avaient exigé le port de masque (Oui=92,7% ; Non=5,3% ; Sans avis= 2,0%)

– avaient reporté ultérieurement des soins dentaires  si le patient est soupçonné de COVID-19 (Oui=85,8% ; Non=13,8% ; Sans avis=0,4%)

– avaient évité d’utiliser des instruments à air (Oui=64,2% ; Non=32,5% ; Sans avis=2,8%)

– avaient pensé que le port de masque chirurgical serait suffisant (Oui=15,4% ; Non=83,3% ; Sans avis= 1,2%) .

– avaient rapporté que seuls les masques N95 sont conseillés en milieu médical (Oui=52,4% ; Non=32,5% ; Sans avis=15,0%) 

– avaient utilisé du masque N95 pendant le traitement (Oui=68,3%; Non=26,8% ; Sans avis=4,9%) 

– avaient utilisé des lunettes de protection (Oui=65,4% ; Non=34,1% ; Sans avis=0,4%)

– avaient utilisé de protection du visage (Oui=60,2% ; Non=39,0% ; Sans Avis=0,4%)

– avaient utilisé une sur-blouse (Oui=78,0% ; Non=21,1% ; Sans avis=0,8%)

– avaient utilisé de digue pour isoler la dent à traiter (Oui=9,8% ; Non=87,4% ; Sans avis=2,8%) 

– avoir utilisé de l’aspirateur de salive (Oui=12,2% ; Non=86,6% ; Sans avis=1,2%) 

– avaient demandé au patient de se rincer la bouche avec de la solution antiseptique avant r le traitement (Oui=32,1% ; Non=66,3% ; Sans avis=1,6%) 

– avaient utilisé de l’eau savonneuse ou alcoolisée pour se laver les mains (Oui=99,2% ; Non=0,8%) 

– connaissaient le N° de téléphone  à contacter en cas d’urgence. (Oui=94,5% ; Non=3,3% ; Sans avis=2,4%)

Tableau 4: Evaluation de la modification des pratiques des dentistes pendant  le  COVID-19

Le tableau 5 présente la répartition des répondants selon le respect des consignes de gestes barrières en fonction du genre. Plus de femmes dentistes (98,2%) que d’hommes (91,5%) exigeaient le port de masques (p<0,05) mais les hommes (79,2%) bien plus que les femmes (68,2%) avaient appliqué la distanciation de 1mètre au minimum entre les chaises de salle d’attente (p<0,05).

Les dentistes hommes étaient plus nombreux (66,9%) à mettre en place de petits murs  de séparation comparés aux femmes dentistes (49,0%) (p<0,01)

En face de cas positif d COVID-19, les dentistes femmes (91,2%) étaient plus enclin à reporter les soins dentaires que les hommes (81,8%) et la différence était statistiquement significative (p<0,05).

Tableau 5: Distribution des répondants selon le respect des consignes de gestes barrières en fonction du genre

*p<0,05 ; **p<0,001

IV- DISCUSSION

            La présente étude visait à évaluer le niveau de sensibilisation, de perception et d’attitude des dentistes malagasy, concernant la maladie à coronavirus (COVID-19) et le contrôle des infections en utilisant un questionnaire à remplir à distance.

Les enquêtes auprès de la population sont actuellement confrontées au problème de la baisse des taux de réponse. Les conceptions en mode mixte sont maintenant mises en œuvre plus souvent pour tenir compte de cet aspect, pour améliorer la composition des échantillons et pour réduire les coûts globaux. [21]

Les questionnaires remplis n’étaient considérés comme valides que si les répondants avaient signé un formulaire de consentement éclairé avant de participer à l’étude. Ce formulaire de consentement était renvoyé dans une enveloppe séparée. Pendant le questionnaire en ligne, les participants étaient invités à cocher une case indiquant s’ils avaient lu et accepté les conditions de protection des données de l’étude. 

Le taux de participation globale à notre étude était de 49,96%, Les études antérieures ont rapporté que les taux de participation des études menées par internet chez les professionnels de santé varient largement d’une étude à l’autre, allant de 9% à 75 % [22]. Une étude de surveillance sanitaire par e-mail, menée en 1999 auprès du personnel universitaire anglais avait montré un taux de participation à hauteur de 32 %. Zamora et al., avaient suggéré, pour augmenter le taux de réponses, d’envoyer, durant l’étude, quelques rappels. [23] Malgré ces inconvénients, dus au risque de participation réduite, pour les enquêtes sur Internet, les coûts d’impression, d’affranchissement et de saisie des données sont considérablement réduits de même que les coûts des déplacements surtout lorsqu’il s’agit d’une enquête nationale. La tranche d’âge la plus fréquente des répondants était 31–40 ans et cela rejoint les mêmes constats dans la plupart des publications [18]. Pour évaluer les résultats, nous avions fait la comparaison avec la synthèse des réponses des dentistes provenant de 30 pays (incluant Pakistan, Arabie Saoudite, Emirats arabes unis, Etats-Unis, Royaume Uni, France, Malaisie, Australie, Nouvelle Zélande, Afrique du sud, Hongrie, Bahreïn, Danemark, Ireland , Suisse, Chine, Canada, Egypte, Kuweit, Italie, Roumanie, Finlande, Israël, Bulgarie, République de Congo, Mexique, Allemagne, Pologne, Inde, Turquie, site non défini) qui ont participé à l’étude de Ahmed MA et al. A Madagascar, comme dans ces 30 pays c’est la peur ou la crainte de contaminer les membres de familles qui était la plus élevée (Ahmed  MA et al.) [13]. Par ailleurs, plusieurs auteurs avaient rapporté le même constat  au niveau international [17, 23] Similairement, le niveau de peur d’être soi-même contaminé occupe la deuxième place à Madagascar. Tandis que pour les 30 pays, de l’étude multinationale de Ahmed, c’est traiter les patients qui toussaient qui prenait la deuxième place avec 90% des répondants en moyenne.

Les résultats diffèrent  beaucoup quand il s’agissait de prendre la décision de fermer les cabinets dentaires jusqu’à réduction du nombre de nouveaux cas de COVID-19.  A Madagascar, moins de 20% ont répondu OUI, tandis que dans l’étude de Ahmed MA et al. , plus de la moitié (66%) l’avaient accepté. Ou encore, quand il s’agissait de peur de parler trop près du patient, moins de la moitié des répondants à Madagascar l’avaient rapporté contre plus de 72%  des répondants des 30 pays participants à l’étude de Ahmed MA et al.

Et si le pourcentage  de dentistes qui appréhendaient le coût du traitement de COVID-19 était de moins de la moitié pour Madagascar contre  en moyenne 73% des répondants de l’étude multinationale.

Dans la présente étude, plus des deux tiers des répondants avaient interrogé si le patient présentait des symptômes de COVID-19, avant de le soigner. Ce résultat rejoint celui de l’étude multinationale. Par contre moins de la moitié des dentistes malagasy avaient interrogé sur l’historique de voyage effectué par le patient contre une proportion de plus de 82% des participants issus des 30 pays.

A proportion similaire, les répondants des deux études avaient rapporté que le port de masque chirurgical  ne serait pas suffisant pour la prévention de l’infection de COVID-19.

Toutefois, trois fois moins de dentistes malagasy, comparés à ceux de l’étude de Ahmed MA et al., avaient rapporté ne pas utiliser du masque N95 pendant le traitement. Le port de masque N95 figure parmi les recommandations de l’EPI quand on doit traiter un patient soupçonné de COVID-19. Dans notre étude moins des deux tiers des participants avaient rapporté porter du masque N95 pendant les soins dentaires. Cette proportion est plus élevée que celle rapporté par les dentistes au Pakistan où seuls 38,5% des dentistes utilisaient des masques N95 et aucun d’entre eux (0%) n’utilisait de digue d’isolement en caoutchouc [18].

L’utilisation de digue pour isoler la dent à traiter est très faible chez les dentistes malagasy et il en était autant dans l’étude de Ahmed MA et al. (13). Pourtant d’après l’étude de Cochrane et al. , les résultats ont indiqué que l’utilisation de la digue en caoutchouc est une méthode permettant de réduire la contamination microbienne. En effet, la technique de digue en caoutchouc est une méthode utilisée en dentisterie pour isoler le champ opératoire du reste de la bouche avec une feuille de caoutchouc [24]. Utilisée avec des gants, un masque et des lunettes de protection, la digue en caoutchouc constitue une excellente barrière contre la propagation potentielle des maladies infectieuses dans le cabinet dentaire. 

Cette efficacité clinique était confirmée par : Al-Amad SH et al. Mais les auteurs rajoutaient que malgré sa valeur clinique, la digue en caoutchouc semble entraîner des niveaux d’aérosols beaucoup plus élevés sur diverses zones de la tête du dentiste, ce qui oblige ce dernier à se couvrir la tête avec des vêtements de protection appropriés (25). L’efficacité de l’usage de digue a été renforcée par un revue systématique menée par Zhou H et al.. Cette revue résume la situation actuelle de l’utilisation des digues en caoutchouc dans différents pays et conclue que la digue en caoutchouc peut protéger efficacement les patients et les travailleurs dentaires et offrir aux patients une expérience plus professionnelle, sûre et confortable [26].

Dans la présente étude, beaucoup de dentistes ne demandaient pas aux patients de se rincer la bouche avec de la solution antiseptique avant le début du traitement. Ce résultat rejoint la proportion moyenne trouvée pour les dentistes des 30 pays. Selon la conclusion d’une méta-analyse conduite par Kelly N et al., à l’heure actuelle, des preuves de haute qualité sont insuffisantes pour suggérer que les rinçages oraux sont efficaces contre le SRAS-CoV-2. 

Bien qu’un certain nombre de lignes directrices aient suggéré l’utilisation de rince-bouche comme mesure prophylactique, celle-ci ne devrait pas être une alternative à un Equipement de Protection Individuelle (EPI) de haute qualité et à un contrôle rigoureux des infections croisées  [27].

D’après nos résultats, la peur de contaminer les membres de sa famille, était rapporté par 81,7% des répondants mais le pourcentage était significativement plus élevé chez ceux qui n’avaient que 5-10ans d’expérience dans le travail de dentisterie (91,0% à p<0,01). Ces résultats rejoignent la conclusion de Serota KS et al., en 2021 qui rapportait que les années passées dans la pratique dentaire et l’âge semblaient être des facteurs de protection contre le stress et la détresse perçus [28].

Notre étude présentait certaines limites. L’échantillonnage n’était pas fait de manière aléatoire ainsi les résultats peuvent ne pas être généralisés à tous les dentistes de Madagascar. De plus, il y a le design d’étude transversale qui ne permet pas de déterminer une relation de cause à effet mais uniquement de voir une association. Malgré ces limites l’étude a permis de constater les difficultés auxquelles les dentistes malgaches avaient été confrontés en ces temps de pandémie de COVID-19. On reproche aux enquêtes menées en ligne, à distance, leur difficulté   d’obtenir un échantillon représentatif et un taux de réponse adéquat. L’accès contrôlé à une liste nationale d’adresses électroniques de professionnels de santé pourrait apporter une solution. L’échantillonnage par convenance est non représentatif de la population d’étude et l’auto-reportage utilisé pour mesurer la peur est une technique de mesure pu fiable. Le design d’étude de type transversale choisi ne permettait pas d’assurer la relation de causalité.

Recommandations :

Nous suggérons de faire bénéficier tous les dentistes d’une formation pour les préparer  à faire face à des épidémies d’infections telles que le COVID-19.

Nous recommandons que de futures recherches utilisent des échelles de mesure de peur et de stress universelles à l’exemple de Fear of COVID-19 Scales (FCV-19) ; ou Indian Scale of Fear related COVID-19  (ISF-C19 scale) pour permettre des comparaisons internationales.

Nous conseillons la vaccination contre les infections qui menacent particulièrement la santé des dentistes telles que l’hépatite B, et le Covid-19 , particulièrement en ce moment d’épidémie non encore totalement maitrisée.

Contribution des auteurs :

Conception de l’étude : RSH; Méthodologie : RSH, JJR ; Supervision AR. ; Investigation : RSH.

Financement : cette recherche n’a pas bénéficié de financement externe

Remerciements : Nous sommes reconnaissants envers tous les dentistes pour leur précieuse participation à l’enquête. Nous remercions toutes les personnes qui ont aidé à la réalisation de cette recherche. 

REFERENCES 

  1. Zhu N, Zhang D, Wang W, Li X, Yang B, Song J, et al. A novel coronavirus from patients with pneumonia in China, 2019. N Engl J Med. 2020;382(8):727–33
  2. Wu, F., Zhao, S., Yu, B. et al. A new coronavirus associated with human respiratory disease in China. Nature 579, 265–269 (2020
  3. World Health Organization (WHO). Novel Coronavirus (2019-nCoV): situation report, 11. Geneva: World Health Organization; 2020-01-31.
  4. https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/technical-guidance/naming-the-coronavirus-disease-(covid-2019)-and-the-virus-that-causes-it
  5. https://reliefweb.int/report/world/who-announces-covid-19-outbreak-pandemic?)
  6. WHO. Coronavirus. https://www.who.int/health-topics/coronavirus#tab= tab_2. Accessed October 20, 2020)
  7. Peng X, Xu X, Li Y, Cheng I, Zhou X, Ren B. Transmission routes of 2019-nCoV and controls in dental practice. Int J Oral Sci. 2020 ;12(1) :9
  8. Lauer SA, Grantz KH, Bi Q, et alEstimating the incubation time of the novel coronavirus (COVID-19) from publicly reported confirmed cases : estimation and applicationAnn Intern Med 2020 Mar 10. [doi :10.7326/m20-0504]
  9. Backer JA, Klinkenberg D, Wallinga J. Incubation period of 2019 novel coronavirus (2019-nCoV) infections among travellers from Wuhan, China, 20–28 January 2020. Euro Surveill. 2020;25.
  10. Occupational safety and Health administration Official Website. Worker exposure risk to COVID-19. Published 2020. https//www.osha.gov/Publications/OSHA3993/pdf)
  11. LU CW, Liu XE, Jia ZE. 2019-nCOV transmission, through the ocular surface must not be ignored. Lancet 2020 ;395-e39
  12. To KKW, Tsang OT-Y, Yip CC-Y, Chan KH, WU TC, Chan JM-C, Leung WS, Chik TS-H, Choi CY-C, Kandamby DH et al. Consistent Detection of 2019  Novel Coronavirus in SalivaClin Inf Dis 2020 Feb 12 :ciaa149.)
  13. Ahmed MA, Jouhar R, Ahmed N, Adnan S, Aftab M, Zafar MS , et al. Fear and practice modifications among dentistes to combat novel coronavirus disease (COVID-19) outbreakInt J Environ Res Public Health. 2020 ;17(08) :2821.
  14. Kamran R, Saba K, Azam S. Impact of COVID-19 on Pakistani dentists: a nationwide cross sectional study.BMC Oral Health. 2021 Feb 10;21(1):59. doi: 10.1186/s12903-021-01413-6. PMID: 33568128; PMCID: PMC7874993.
  15. Ammar N, Aly NM, Folayan MO, Khader Y, Virtanen JI, Al-Batayneh OB, et al. (2020) Behavior change due to COVID-19 among dental academics—The theory of planned behavior: Stresses, worries, training, and pandemic severityPLoS ONE 15(9): e0239961. 
  16. Khader Y, Al Nsour M, Al-Batayneh OB,Saadeh R, Bashier H, Alfaqih M, Al-Azzam S, AlShurman BA. Dentists’ Awareness, Perception, and Attitude Regarding COVID-19 and Infection Control: Cross-Sectional Study Among Jordanian Dentists JMIR Public Health Surveill 2020;6(2):e18798  
  17. Beaton DE, Bombardier C,Guillemin F, Ferraz MB. Guidelines for the Process of cross-cultural adaptation of self-Report MeasuresSpine. 2000 ; 25 :3186-3191. Doi :10.1097/00007632-2000/2150-00014.
  18. Lawshe C. H. (1975). A quantitative approach to content validityPersonnel Psychology, 28(4), 563–575.
  19. https://www.google.com/search?q=Raosoft+sample+size+calculator&oq=Raosoft+sample+size+calculator&aqs=chrome..69i57j0l3j69i59.2573j0j7&sourceid=chrome&ie=UTF-8
  20. Cronbach LJ. (1951). Coefficient alpha and the internal structure of tests. Psychometrika, 16(3), 297–334.
  21. Braithwaite D, Emery J, De Lusignan S, Sutton S. Using the Internet to conduct surveys of health professionals: a valid alternative? Fam Pract 2003;20(5):545-51
  22. Jones R, Pitt N. Health surveys in the workplace: comparison of postal, email and World Wide Web methodsOccup Med (Lond) 1999;49(8):556-8.].
  23. Zamora A, Cêtre J, Perol D. & Vanhems P. Évaluation des attentes en matière de santé d’une population professionnelle universitaire via internet : l’Observatoire de la Santé des Personnels de l’Université Lyon 1, une démarche originale. Santé Publique2010 ;  22, 37-49.
  24. Cochran MA, Miller CH, Sheldrake MA. The efficacy of the rubber dam as a barrier to the spread of microorganisms during dental treatmentJ Am Dent Assoc. 1989 Jul;119(1):141-4. doi: 10.14219/jada.archive.1989.0131. PMID: 2760346
  25. Al-Amad SH, Awad MA, Edher FM, Shahramian K, Omran TA. The effect of rubber dam on atmospheric bacterial aerosols during restorative dentistryJ Infect Public Health. 2017 Mar-Apr;10(2):195-200. doi: 10.1016/j.jiph.2016.04.014. Epub 2016 May 24. PMID: 27234605.].
  26. [Zou H, Wang Y, Zhang H, Shen J, Liu H. [An overview on rubber dam application in dental treatments].Zhonghua Kou Qiang Yi Xue Za Zhi. 2016 Feb;51(2):119-23. Chinese. doi: 10.3760/cma.j.issn.1002-0098.2016.02.011. PMID: 26926198.]
  27. Kelly, N., Nic Íomhair, A. & McKenna, G. Can oral rinses play a role in preventing transmission of Covid 19 infection?. Evid Based Dent 21, 42–43 (2020). 
  28. Serota KS, Andó B, Nagy K, Kovács I.Revealing Distress and Perceived Stress among Dentists at the Outset of the COVID-19 Pandemic: A Cross-Sectional Factor Analytic Study. Int J Environ Res Public Health. 2021 Nov 11;18(22):11813.

doi: 10.3390/ijerph182211813.PMID: 34831569